dimanche 7 décembre 2014

Chroniques d'un décembre de cigognes qui font hohoho


Bonheur: palais d’innombrables seuils et huis, dont on partage tous le bail. Certaines de ses portes se nichent au fond des bocaux de pâte à tartiner et donnent sur des petites antichambres cossues et confortables, au parfum de noisette ou de marrons. D’autres, minuscules fenêtres nanties d’été, se dissimulent entre l’aluminium et le chocolat. Au coin des sourires, dans des draps enroulés aux pieds de lits, se trouvent des portes majeures, s'ouvrent sur des salons et des boudoirs, aux cheminées palpitantes, aux verandas ornées de jasmins et de mers exotiques. Ces chambres-là sont plus rares, mais une fois qu’on les visite, on ne les oublie pas. D’aucunes, gigantesques portails, donnent sur des salles de bal, tapissées de hochets et de biberons, de rires et d’échos de premiers pas.
Le palais compte bon nombre d’entrées de service, qui n’appartiennent qu' à ceux qui les goûtent: celles-là sont semées sur des bouts de trottoir, des fragments de sentier, au fond des baignoires et dans les poils des chiens, des chats, des chevaux, des fennecs.
Il en existe certainement sur les touches du piano, les cordes de la guitare, les pas du danseur et hélas! Les  anches de l’accordéon.
Ces portes-là, dissimulées et obscures, sont difficiles à trouver et parfois difficiles à franchir. Ô lecteur, ne laisse jamais d’autres que toi en condamner l’entrée et ne condamne jamais celle des autres, car la co-propriété du bonheur est un droit inaliénable, au-même titre que la respiration et le prénom. Ne soit jamais trop prompt à juger la Schoïnopentaxophilie ou les amateurs de camembert dans le café, car comme le disait si bien Paul Melun:

- Le tacos est ma voie. Choisissez la votre.

Le bonheur demande du temps. Ne le perds pas à rire de celui-d’autrui, même s’il s’agit d’un accordéoniste.
Il y aura toujours des vendeurs de porte à porte, des démarcheurs, qui proposeront des huis d’installation facile, qui suggèrent d’éviter de chercher son entrée de service, de la troquer contre un seuil de contre-plaqué aux normes, standardisé selon les dernières avancées technologiques. Je ne peux que te conseiller la méfiance, ô sagace lecteur, car  taylorisme et bonheur ne font pas souvent bon ménage et plus d’un acheteur a réalisé à ses dépens que ces portes-là, qui remplacent effort par profit, sous couvert de progrès, offrent des bonheurs aux finitions douteuses.
Il est du bonheur comme des caleçons après un marathon: il est essentiel de garder le sien et il est difficile de s’imaginer avec celui d’un autre.

Biberon: Objet essentiel si jamais il en fut, on est tout de même en droit de se demander à quoi bon le décorer de petits animaux arrondis. Le nourrisson, s’il en avait la possibilité, dirait sans doute:

- Soyons sérieux. Des girafes, vraiment? Je les vois pas, j’ai les mains dessus, et en plus il faudrait que je me paye la loucherie du siècle pour admirer leurs sourires maniques. Franchement, c’est pour vous qu’il y a des dessins, avouez-le.